Une oeuvre construite à partir de détritus numériques
L’œuvre d’Arsen Eca se déploie comme une critique subtile et profonde de notre ère numérique, où la quantité exponentielle de données produites chaque jour est souvent perçue comme éphémère et jetable. En s’appropriant les fragments numériques abandonnés, ceux que nous considérons comme des résidus sans valeur, Arsen Eca engage un dialogue poétique avec la matérialité de l’information.
Sa méthode consiste à transformer ces fichiers délaissés dans les poubelles de nos ordinateurs, en une forme d’art tangible, réfléchissant ainsi sur le cycle de vie des données numériques. En réunissant ces fragments, souvent personnels et chargés de souvenirs dématérialisés, il les compresse jusqu’à ce qu’ils se réduisent à un simple gros pixel. Ce pixel, mesurant 6cm sur 4cm, devient non seulement le cœur de son œuvre mais aussi une métaphore puissante de la compression et de la perte inévitable d’informations dans les processus numériques.
Ce processus n’est pas seulement une transformation physique des données, mais aussi une transmutation conceptuelle, où le numérique devient physique, et l’éphémère se mue en permanent.
La connexion de ces pixels physiques à la blockchain est particulièrement révélatrice. En rendant chaque œuvre traçable et unique dans un registre décentralisé, Arsen Eca explore les notions de propriété et d’authenticité à l’ère numérique. Ce choix technique souligne l’importance de la visibilité et de la reconnaissance dans un monde où l’invisible abonde et domine souvent nos interactions quotidiennes.
Chaque œuvre d’Arsen Eca agit comme un microcosme d’informations, un univers condensé dans un point, rappelant que même dans ce qui paraît insignifiant ou épuisé, il existe un potentiel de beauté et de renaissance. Cela nous incite à repenser notre relation aux déchets numériques et à l’environnement, nous questionnant sur la manière dont nous valorisons ou dévalorisons nos propres traces numériques.
l’art phygital d’Arsen Eca, est une invitation à observer au-delà de la surface des choses, à reconnaître la richesse cachée dans ce qui est souvent ignoré ou mal compris. Sa démarche artistique est un rappel poignant de notre responsabilité envers les échos numériques que nous laissons derrière nous et de notre potentiel à transformer ce qui est perçu comme déchet en quelque chose d’irremplaçable et d’artistiquement vibrant.
Les étapes de la création
À travers un système innovant basé sur ses “clics poétiques”, les internautes peuvent volontairement soumettre les fichiers de leur poubelle numérique pour leur donner une seconde vie.
Le processus commence par la récupération des fichiers jetés, lesquels sont ensuite agencés de manière artistique via une application. L’artiste cherche à embellir cette collection disparate de fichiers, créant une composition harmonieuse selon son inspiration et les matériaux reçus. Ce travail, minutieux et délicat, est réalisé à la main avec un pinceau numérique, rappelant les techniques traditionnelles de peinture.
Une fois l’œuvre digitale terminée, elle est compressée et réduite de sa taille originale de 120×80 cm à une dimension de 6×4 cm. Ce mini tableau est alors imprimé sur une plaque d’aluminium, préservant la qualité et l’esprit numérique des détritus initiaux.
En parallèle, la toile virtuelle de 120×80 cm est reproduite par un robot de dessin (AxiDraw) sur une feuille de papier Canson de même taille. Ce processus mécanique est entièrement filmé, documentant chaque étape de la création. Une fois cette reproduction terminée, l’artiste transforme cette grande peinture en une boule de papier froissée, créant ainsi une sculpture. Ce geste, capturé en vidéo, est ensuite enregistré sur la blockchain, assurant la traçabilité et l’authenticité de l’œuvre.
Toutes les œuvres créées à partir de ces détritus numériques sont reliées à la blockchain, qui conserve l’information initiale de leur état de recyclage. Cette intégration technologique non seulement protège l’authenticité des œuvres, mais souligne également l’importance de la transformation et de la préservation des données numériques dans l’art contemporain.